Marguerite Porete, béguine mystique, a écrit un ouvrage, le Miroir des âmes simples, qui lui valut d’être brûlée en place publique en 1310.
Claudine Gambino, artiste plasticienne diplômée de l’Institut Européen des Arts Céramiques - promotion 2018, présente, en collaboration avec deux compositeurs en résidence aux Dominicains, Vladislav Isaev et Vincent Villuis, une installation céramique sonore dans la chapelle néo-gothique du couvent.
Une voix d’Amour
Parce qu’elle prônait un amour de Dieu hors du carcan moral et ecclésiastique de son temps, Marguerite Porète fut brulée vive en 1310. Inspiratrice de Maître Eckhart et de sa mystique rhénane, fait-elle encore figure d’exemple ?
Il faut se méfier des femmes, surtout des femmes libres de leurs paroles : elles cachent parfois un courage qui les rend subversives. « Hérétique », disait-on hâtivement au Moyen âge. C’est ainsi que fut jugée, et condamnée pour telle au bûcher, Marguerite Porète, née vers 1250, devenue béguine dans le nord de la France.
Sa faute : avoir écrit et publié Le miroir des simples âmes anéanties dans lequel elle prône un amour de Dieu inconditionnel. Grande savante, elle prétendait à la libre jouissance de Dieu, à « la liberté parfaite de l’âme ». Une liberté de paroles dangereuse pour les autorités sociales et religieuses que celle des béguines, ces laïques citadines libres de vœux mais dévouées à Dieu. Avec leurs chants et leurs écrits en langue vernaculaire et leur pensée affranchie des dogmes, elles ne pouvaient que susciter méfiance et persécution…
Bien que son livre eût été brûlé publiquement à Valenciennes en 1306, Marguerite Porète n’en poursuit pas moins sa tâche : affirmer sa liberté de pensée inconditionnelle. Diffusé en français, en latin, en italien et en anglais, le livre continue à circuler largement en Europe. Grand théologien de cette époque, Maître Eckhart l’a sans doute découvert dès 1303. Mais en 1308, Marguerite Porète est arrêtée et incarcérée. Ayant refusé de prêter serment au risque de recevoir l’absolution pour des fautes qu’elle considère n’avoir pas commises, elle n’a donc même pas le droit de comparaître devant le tribunal. L’inquisiteur qui instruit son procès, un frère dominicain, la déclare hérétique et la condamne au bûcher.
Trois siècles plus tard, dans un contexte de condamnations de sorcières assez proche, le jésuite Friedrich Spee écrit : « La vérité n’a pas de pire ennemi que le préjugé.»
Admirable destin que celui de Marguerite Porète qui a couru toute sa vie le risque de rester libre de paroles. Combien serions-nous aujourd’hui à nos battre aussi ardemment nos idéaux ?
(Texte : Anne Vouaux)